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Sang contaminé

Novethic, 08/02/2011

Sang contaminé : un accord sous le sceau du secret

Les laboratoires Alpha, Baxter, Bayer et Behring-Aventis vont verser plusieurs dizaines de millions d'euros de dommages et intérêts à des hémophiles contaminés par le virus du Sida et l'hépatite C dans les années 1980. Ce compromis juridique a été obtenu aux Etats-Unis entre les représentants des industriels et d'hémophiles contaminés issus de 22 pays. En échange, les plaignants et leurs avocats doivent garder le silence sur cet accord.

Selon une source citée par l’AFP, « l'accord avec les firmes est entré en vigueur en 2010 », après son acceptation par 90% des plaignants concernés, ce qui représente « environ 2000 personnes dans le monde ». Le chiffre de plusieurs dizaines de millions d'euros d'indemnités « n'est pas totalement faux » ajoute cette source, en précisant que l’allemand Bayer et l'américain Baxter sont les deux principales parties de l'accord côté industrie. « Je peux confirmer qu'un accord a été trouvé » avec les compagnies pharmaceutiques", a également déclaré à l'AFP Stefano Bertone, avocat d'un groupe d'hémophiles italiens contaminés. Une procédure criminelle contre les responsables des laboratoires est encore en cours en Italie et devrait aboutir bientôt, a-t-il ajouté, et « nous allons certainement porter des cas en justice, aux Etats-Unis et en Italie ».

Mesures de sécurité non appliquées
L’Association française des hémophiles rappelle qu’une personne hémophile ne saigne pas plus qu’une autre mais plus longtemps du fait d’un déficit coagulatoire. Parmi les médicaments qui permettent de faciliter la coagulation, on retrouve des produits dérivés du sang. Or, l’organisation allemande Coordination contre les méfaits de Bayer (www.CBGnetwork.org) rappelle que la filiale américaine de Bayer, Cutter, était à l’époque des faits incriminée le leader mondial de ces dérivés sanguins, ce qui lui confère une responsabilité particulière dans la contamination des hémophiles. « Plusieurs milliers d’hémophiles dans le monde avaient été victimes d’une infection par le virus VIH par suite de la négligence criminelle de la firme Bayer. Le danger de transmission du SIDA aux hémophiles par le biais de médicaments a été connu très tôt, mais pour des raisons de coût, les mesures de sécurité qui existaient déjà n’ont pas été appliquées », relève Philipp Mimkes, de CGB.

De son coté, Bayer émet un document officiel dans lequel il fait savoir qu’il « ne reconnaît aucune responsabilité » dans cette affaire et « continue d'affirmer qu'il a toujours agi de façon responsable et éthique ». Pour autant, « le groupe Bayer confirme que l'accord juridique trouvé avec les avocats américains représentant une vaste majorité des plaignants aux Etats-Unis est entré en vigueur ». Il poursuit dans son communiqué qu’ « avec d'autres fournisseurs de thérapies à base de dérivés de plasma qui faisaient partie de la défense dans cette affaire, Bayer a accepté un accord pour se rapprocher d'un terme et pour dépasser les regrettables événements qui se sont produits il y a plus de 20 ans ». Il ajoute qu’il « est particulièrement tragique que le VIH ait été transmis tout spécialement par les traitements (destinés aux hémophiles) à une époque où l'on ne savait pas que (ce virus) avait contaminé l'approvisionnement en sang ».

Silence et intimidation
« Pourquoi l’entreprise Bayer dissimule-t-elle qu’elle verse des millions ? Pourquoi ne parle-t-on nulle part de ce compromis qui devrait faire jurisprudence ? Il est révoltant que les firmes exigent le silence de leurs victimes! » s’insurge Philipp Mimkes pour qui ce compromis représente de fait une reconnaissance par les groupes pharmaceutiques de leurs torts. « C’est toujours le même scénario avec Bayer. Ils attendent d’abord de voir s’il se passe quelque chose et si la justice est saisie , puis des négociations sont lancées pour y mettre un terme via l’adoption d’un compromis prévoyant des indemnisations. En échange, les plaignants doivent respecter le sceau du secret. Si ce n’est pas le cas, le groupe peut geler les indemnisations». Cette stratégie du silence et de l’intimidation ne relève d’ailleurs pas seulement du groupe Bayer mais des autres grands groupes industriels, relève encore Philipp Mimkes.

La Coordination contre les méfaits de Bayer, qui surveille le trust depuis 30 ans, exige de la part de Bayer des excuses et un dédommagement approprié des victimes. « Les responsables de la contamination de milliers d’hémophiles continuent aujourd’hui à tirer des profits de leurs dérivés sanguins, vendus fort chers, et parallèlement à faire payer par la collectivité les traitements qu’elles ont rendus nécessaires » poursuit Philipp Mimkes. Pour la seule année 2010, le médicament antihémophilique Kogenate a représenté pour Bayer un chiffre d’affaires de 888 millions d’euros. Claire Stam à Francfort (Allemagne)

Com. de Presse: Bayer, Baxter paient aux hémophiles des dommages