Drücke „Enter”, um zum Inhalt zu springen.

Novethic

Novethic, 16/03/2004

La Coordination contre les dangers de Bayer : David rhénan contre Goliath chimique

Cela fait 25 ans que la « Coordination contre les dangers de Bayer », basée à Düsseldorf, non loin du siège de l‚entreprise, passe au crible les activités de la multinationale allemande, premier producteur d‘OGM en Europe. La Coordination alerte l‚opinion publique, allemande et internationale, des dangers liés aux produits fabriqués par Bayer, recense des informations, parfois confidentielles, sur la multinationale, organise et coordonne en partenariat avec d‘autres ONG des actions de protestation, notamment dans les pays en voie de développement. Et intervient directement lors des assemblées d‚actionnaires. Portrait du David rhénan contre le Goliath chimique.

« Nous habitons tous la région. Bien sûr, nous avons réfléchi si nous ne devions pas nous pencher sur les autres multinationales de la chimie en Allemagne, mais nous avons préféré nous en tenir à Bayer. Nous connaissons bien l‘entreprise, » explique Philipp Mimkes, un des six membres à la tête de l‚organisation. La région en question, c‘est celle du Rhin qui compte Cologne et Düsseldorf, l‚une des plus peuplées et industrialisées du pays. Or, habiter la région signifie être confronté à une pollution industrielle latente.

De fait, la Coordination est née en 1978 d‘un mouvement de protestation suite à la pollution par Bayer de la rivière Wupper. Quatre ans après, le mouvement adopta les structures actuellement en vigueur. D‚une base écologique, à savoir la dénonciation des produits chimiques produits par Bayer (fabrication et utilisation), la palette des thèmes abordés s‘est rapidement élargie : conditions de travail, que ce soit dans les pays en voie de développement ou industrialisés, OGM, compensation des anciens travailleurs forcés sous le régime nazi, pour ne citer que les plus actuels.

La Coordination entend démasquer et protester contre les activités de Bayer qu‚elle juge dangereuse, déloyale ou encore non-éthique. Elle entend également dénoncer l‘influence politique de la multinationale et le manque de contrôle démocratique. Pour ce faire, elle offre une information précise, et en plusieurs langues (dont le français) via son site internet et ses magazines d‚information « Stichwort Bayer » (en allemand) ou « Keycode Bayer » (en anglais). A coté des actions et pétitions, l‘intervention lors des assemblées d‚actionnaires constitue une des formes de protestation privilégiées de l‘organisation. De l‚ordre d‘une dizaine, les interventions s‚articulent autour de thème définis à l‘avance. Cette année : la mort des abeilles et les OGM.

Dialogue de sourds
Comment réagit Bayer envers une organisation toute entière consacrée à la critique de ses activités ? La voie juridique fut une des premières armes. En 1986, Bayer a porté plainte pour diffamation contre la Coordination suite à la rédaction d‚un tract critique. Ce fut le début d‘un périple judiciaire qui au terme de six années de procédure à aboutit à la victoire de la Coordination. La Cour constitutionnelle fédérale, la plus haute instance juridique du pays, invoqua la défense de la liberté d‚expression. La décision fut si exceptionnelle qu‘elle fait toujours jurisprudence.

« Après la décision de la Cour constitutionnelle, ca été le calme judiciaire du coté de Bayer. Un tel jugement est forcément défavorable pour l‚image de marque, d‘autant que le procès a bien été couvert par la presse allemande, » rapporte le porte-parole de l‚organisation. Il n‘empêche, l‚organisation a dû fermer récemment un site internet consacré également à la critique de Bayer suite au dépôt d‘une plainte par la multinationale.

Le conflit entre les deux belligérants semble, après tant d‚années de confrontation, insoluble. Le dialogue, voire le compromis, pourtant si prisé en Allemagne, n‘est pas de mise. « Pathologique. Je ne vois pas d‚autres qualificatifs qui conviendraient le mieux, » ironise Philipp Mimkes dans sa tentative de décrire les relations avec le géant chimique. « Bayer refuse d‘entamer tout dialogue avec nous. Quand nous intervenons lors des assemblées d‚actionnaires, tous nos arguments sont systématiquement réfutés. Soit nos propos manquent d‘objectivité, soit ils ne sont pas fondés. Peu importent les preuves que l‚on peut avoir en main. »

La Coordination compte environ 1000 adhérents qui assument seuls son financement. En effet, les autorités publiques ne reconnaissent pas à la Coordination le statut d‘association reconnue d‚utilité publique – la privant par là de subventions et la mettant dans une situation financière précaire. Philipp Mimkes y voit la main longue de Bayer : « Pratiquement toutes les associations écologiques en Allemagne bénéficient de ce statut mais pas nous. Bayer a ses contacts parmi l‘administration, ce qui peut expliquer le statu quo. »

Bayer se refuse à tout commentaire sur la Coordination, ou tout autre organisation critique, et renvoie à son site internet. Là se trouve la description des mesures mise en place par la multinationale pour répondre aux exigences du développement durable, ainsi que sa contribution au programme des Nations unies, le Global Compact.

Claire Stam