L`Humanité, 17 novembre 2003
IG Farben plie mais ne rend pas
Une multitude de crimes empilés fit la fortune de la firme allemande IG Farben, enfin placée en liquidation judiciaire. Ce conglomérat chimique, fondé en 1925, durant la guerre inféodé aux nazis, dut sa hideuse renommée à la production du gaz zyklon B, utilisé dans les camps de la mort, en vue de l‚extermination en masse des juifs. IG Farben gérait Auschwitz. Au comble de sa puissance, l‘entreprise d‚enfer n‘employait pas moins de 190 000 personnes, dont 80 000 travailleurs forcés. En 1948, lors d‚une dénazification minimale, treize dirigeants furent condamnés par un tribunal militaire à des peines bénignes, de six mois à six ans de prison. Les Alliés avaient décidé de démanteler le groupe après la guerre. Les activités sans lien apparent avec le nazisme (soit l‘argent ne sentant pas trop la mort, mais comment est-ce possible ?) avaient été réparties dans de nouvelles sociétés, telles Bayer, Agfa, BASF, Hoechst, tandis que les filiales impliquées dans l‚holocauste se voyaient chapeautées par la IG Farben in Abwicklung, chargée de régler une foule de contentieux avant liquidation. Celle-ci est donc désormais acquise, à cela près que si les petits actionnaires ont été dédommagés, les associations de travailleurs forcés, qui s‘expriment au nom de quelque 400 000 personnes, n‚ont pas touché un fifrelin de la IG Farben in Abwicklung, encore à la tête d‘un énorme capital issu de la spéculation. Comble de l‚abjection, le mot est faible, c‘est une sous-marque de IG Farben et de Degussa, Degesch, qui avait été pressentie pour le marché du produit antigraffiti (antisémites, pour sûr) censé protéger les 2 700 stèles de béton perpétuant la mémoire des juifs anéantis. N’est-ce pas édifiant ?