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OGM

Novethic, 27/06/2006

Monsanto, Syngenta, Bayer, Dupont

L‚AFRIQUE S‘OUVRE AUX OGM

Sous l‚impulsion de la Banque mondiale et de l‘OMC, huit pays africains ont décidé de promouvoir la culture du coton transgénique. A l‚exception de l‘Afrique du Sud et du Burkina Faso, les pays africains étaient jusqu‚ici réservés sur la culture des OGM, mais les difficultés économiques de la filière coton les conduisent à modifier leurs choix.

Lors d‘un séminaire qui s‚est tenu à Ouagadougou le 20 juin dernier, huit pays africains producteurs de coton (Bénin, Burkina Faso, Mali, Tchad, Cameroun, Côte d‘Ivoire, Ghana et Togo) se sont engagés à créer un Centre régional de biotechnologie, convenant „qu‚en plus des engrais, il y a lieu d‘intégrer la question des semences et le passage aux OGM “. Le séminaire, organisé par la Banque mondiale et l‚OMC, a également décidé de promouvoir une mutualisation régionale des moyens ainsi qu‘un partenariat entre secteurs public et privé pour pallier les difficultés économiques de cette filière. Pour les ONG, les OGM sont entrain d‚apparaître sur le continent africain par la „ petite porte “, celle de la recherche et de la formation d‘une élite scientifique „ pro-OGM “.Christophe Noisette, d‚Info‘GM (association de veille sur les OGM) explique ainsi que „ les centres de recherche agronomique de plusieurs pays d‚Afrique sont aujourd‘hui dotés de programmes de production de plantes génétiquement modifiées (PGM). Le développement de ces programmes demande d‚importants financements qui sont obtenus à travers des collaborations avec des firmes privées productrices de PGM comme Monsanto, Syngenta, Bayer, Dupont, et avec des universités et des centres de recherches des pays industriels (…). En Ouganda, c‘est un projet sur la banane, soutenu par la Fondation Rockefeller qui a servi de marchepied pour former les scientifiques et, à terme, influencer la législation “.

L‚argument économique
Parmi ces 8 pays africains, seul le Burkina Faso avait lancé en 2003 des cultures expérimentales de coton transgénique avec le groupe Monsanto. Très présent en Afrique du Sud, le leader de l‘agro-business a déjà implanté des filières de coton génétiquement modifié (70% de la production totale de coton), dans ce pays qui cultive également du soja (25%) et du maïs transgéniques (15%). En l‚absence de cadre réglementaire sur la question, les ONG burkinabées avaient en 2004 demandé un moratoire de cinq ans avant l‘introduction des OGM, mais le ministre de l‚Agriculture Salif Diallo a finalement estimé qu‘„ il est urgent d‚aboutir à des décisions rapides et courageuses pour éviter de tomber dans le paradoxe des débats interminables “. En clair : la filière du coton se porte mal alors que des centaines de milliers de familles en dépendent pour leur survie, et la création de filières OGM permettrait de faire face à la concurrence internationale…Un argument qui ne convainc ni les ONG, ni la FAO (Organisation des Nations-Unies pour l‘alimentation et l‚agriculture). Son directeur, Jacques Diouf, estime que les OGM en Afrique „ ne sont pas une priorité “ pour atteindre les objectifs du Millénaire sur le développement. Par ailleurs, la FAO a soulevé dans son rapport 2004 sur l‘alimentation et de l‚agriculture, plusieurs questions cruciales quand à l‘introduction des OGM en Afrique. „ Quelles priorités de recherche biotech pourraient aller directement au bénéfice des pauvres? Comment s‚assurer que les pays en développement mettent en place des régimes adéquats d‘évaluation des risques pour l‚environnement et la santé, aussi bien avant qu‘après leur introduction en plein champ? Et comment pouvons-nous faciliter la mise au point et le mouvement international d‚organismes transgéniques sans danger et promouvoir le partage des droits de propriété intellectuelle pour le bien public?“ Autant de questions sans réponses. La FAO recommande en tout cas que „ les associations de défense de l‘environnement, les groupes d‚agriculteurs et les organisations communautaires puissent intervenir de façon active dans ce processus, car elles font partie intégrante du système“.

Mauvaise expérience en Inde
Avec ou sans OGM, la filière coton des pays africains est confrontée à une réalité économique et sociale alarmante. Depuis 10 ans, son prix de vente est inférieur à son prix de revient, alors que le coton est un des produits phares de l‘exportation en Afrique et que 20 millions de personnes en dépendent pour vivre. Subissant de plein fouet les subventions que l‚Europe et les Etats-Unis octroient à leurs producteurs, les pays africains ne peuvent faire face à cette concurrence. La Chine octroie en outre 1,2 milliards de dollars à ses producteurs et l‘Europe, jusqu‚au début des années 2000, un peu moins de 1 milliard. Selon un rapport d‘Oxfam paru en 2005, les exportateurs d‚Afrique auraient perdu 301 millions de dollars en 2001 et 2002. Cette situation devrait certes s‘améliorer quelque peu, puisque le dernier sommet de l‚OMC est parvenu à un accord sur la suppression des subventions aux exportations de coton pour 2006. Mais il n‘en demeure pas moins que la majorité des subventions octroyées, notamment par les Etats-Unis, ne le sont pas à l‚exportation. Ainsi les 25 000 producteurs américains reçoivent chaque année quelques 4 milliards de dollars de subventions venant de l‘état fédéral. Par ailleurs, la fin de l‚accord Multifibres, qui a fortement libéralisé ce marché, a renforcé le phénomène de baisse des prix. Autant de difficulté qui peuvent amener les gouvernements à prendre des décisions trop hâtives. C‘est en effet dans ce contexte fortement concurrentiel que l‚Inde avait décidé, en 2002, d‘autoriser la culture de coton génétiquement modifié avec le groupe Monsanto. Trois ans plus tard, le gouvernement de l‚Etat d‘Andhra Pradesh interdisait trois variétés de coton OGM, après avoir réclamé en vain des indemnisations au groupe Monsanto pour les pertes subies par de nombreux paysans. Le coton Bt de la firme s‚est en effet révélé être un gouffre financier, avec des rendements inférieurs de 8 à 35% selon les années, par rapport au coton traditionnel. Les revenus des agriculteurs ont baissé de 60% et une partie de leurs sols sont devenus trop toxiques pour d‘autres cultures.
Véronique Smée