Act Up Paris, 4 septembre 2012
Bayer en guerre contre les médicaments génériques.
Les auditions du recours formé par le laboratoire allemand Bayer contre la licence obligatoire émise par lInde en mars dernier sur la molécule anticancéreuse sorafenib tosylate se sont ouvertes hier devant la commission dappel de la propriété intellectuelle indienne.
Le recours aux licences obligatoires est une des flexibilités des accords internationaux sur la protection des droits intellectuels (ADPIC) signés dans le cadre de lOMC (Organisation mondiale du commerce), il permet à un gouvernement de passer outre un brevet pharmaceutique en autorisant la production ou limportation de versions génériques du médicament pour des raisons de santé publique. La licence émise par lInde a ainsi permis au génériqueur Natco de produire du sorafenib tosylate 97% moins cher que la version commercialisée par Bayer. Natco verse en outre 6% de royalties sur les ventes au laboratoire allemand.
Par ce recours, Bayer sen prend à lune des sauvegardes essentielles de laccès à des médicaments génériques à bas prix. Sil obtenait gain de cause, la capacité de lInde à émettre de futures licences obligatoires serait compromise alors même que de nombreux espoirs portent sur le recours aux licences obligatoires pour diminuer les prix des nouvelles molécules.
“Au sud, de plus en plus de malades développent des résistances aux médicaments anti-VIH de première ligne et nécessitent des molécules de deuxième et troisième ligne. Or ces molécules, moins concurrencées par les génériques, coûtent beaucoup plus cher. Nous comptons sur les flexibilités des accords ADPIC, et notamment sur les licences obligatoires, pour permettre aux malades davoir accès aux traitements qui sauveront leurs vies déclare Céline Grillon, chargée du plaidoyer international à Act Up-Paris.
Le recours aux licences obligatoires est en effet garanti par la déclaration de Doha signée en novembre 2001 par lensemble des États de lOMC.
Ce nest pourtant pas la première fois quune industrie pharmaceutique sen prend à lInde dont la production de médicaments génériques alimente en grande partie les pays du sud. Depuis 2006, Novartis poursuit le gouvernement indien devant ses tribunaux pour tenter dassouplir la loi anti-evergreening (1) favorable aux génériques. Après avoir été débouté en première instance et en appel, Novartis poursuit laffaire devant la Cour suprême indienne, les auditions finales doivent débuter le 11 septembre prochain.
Act Up-Paris dénonce les politiques meurtrières de Novartis et de Bayer dont le combat pour les profits met en péril la vie de centaines de milliers de malades. Nous demandons à lInde de résister aux pressions de big pharma et de continuer à recourir aux flexibilités des accords ADPIC pour permettre laccès à des médicaments génériques à bas prix.
En savoir plus:
=> Génériques : la plainte de Bayer contre le gouvernement indien est rejetée
=> Health groups: Defend affordable drug treatment in India
=> Bayer: Feu vert indien pour un générique anticancer
=> Victoire de l‚Inde contre Bayer pour l‘accès aux médicaments
Notes:
(1) il sagit dune pratique courante de lindustrie pharmaceutique qui consiste à prolonger la durée dun monopole en déposant un nouveau brevet sur une forme très légèrement différente dune molécule dont le brevet est arrivé à expiration.
LInde dispose dune législation qui interdit cette pratique : l`article 3d de sa loi sur les brevets exige une avancée thérapeutique significative pour quun brevet soit déposé sur une molécule déjà existante.